Le Divin ne s'offre qu'à ceux qui s'offrent eux-mêmes à la Divinité.
Sri Aurobindo


Toutes choses sont des déploiements de la connaissance divine.
Vishnou Pourâna, 2.12.39


Toute la vie est un yoga.
Sri Aurobindo, La Synthèse des yogas - I.




jeudi 20 mai 2010

GUIDANCE DE SRI AUROBINDO

Ces extraits de conversations avec PAVITRA relate la guidance de Sri Aurobindo dans le travail intérieur qu’effectua Pavitra au cours de ses méditations.


En italique Pavitra.

Lundi 18 janvier 1926


Je suis parvenu à conserver mon mental absolument vide de pensées pendant quelques minutes. Toutes les vagues sont arrêtées. Mais ma conscience est cependant toujours

Fixée au plan physique, ainsi, j'entends et je perçois, bien que les perceptions n'éveillent aucune pensée. Cependant j'ai eu plusieurs fois la sensation d'être sur le point de passer au-delà; ma respiration est devenue très difficile et tout tourbillonnait bien que ma conscience restât calme et attentive. Si j'avais pu arrêter ma respiration, j'aurais certainement changé de conscience.


Il s'agit de quitter le corps physique. Mais ce n'est pas à rechercher pour le moment : il faut d'abord avoir obtenu plus de contrôle (savoir par exemple se diriger au-delà) et il faut aussi d'autres conditions — par exemple, être sûr de ne pas être dérangé. Naturellement, c'est ce que les Yogi cher­chent et s'efforcent d'atteindre. Tout le monde ne peut pas le faire. À mon avis, il ne faut pas chercher actuellement cet état — par exemple, en respirant convenablement.

Non, vous avez touché à l'état de parfait silence. Élargissez-le; cela ne veut pas dire l'approfondir. Mais faites-le durer stablement plus longtemps et faites-le enclore peu à peu ce qui vous entoure.


Vendredi 5 février 1926


Ces derniers jours ont été meilleurs — la concentration plus facile et le détachement du mental plus aisé. Je peux me séparer du mental et observer son action. Mais lorsque j'essaie de le rendre absolument mort, alors je ne peux y arriver qu'en me concentrant près de Sahasrâra, tachant de me séparer du corps, et la respiration devient difficile.


Il y a deux façons d'avoir conscience d'un monde supérieur. L'une est d'y envoyer une partie de soi-même, tout en restant dans sa conscience phy­sique. L'autre est de quitter cette conscience physique et d'entrer dans une espèce de transe, qui peut toucher à la catalepsie et au coma. Vous n'êtes pas dans les conditions à essayer cela. Et, probablement, il y a en vous confusion entre deux mouvements : l'un, de calmer le mental, et l'autre, de sortir de votre corps physique.


C'est probable. Lorsque je médite, j'ai conscience de cer­tains mouvements que je place dans mon corps vital. Ils ne sont pas physiques bien que je les sente physique­ment, spécialement entre la poitrine et la tête, et dans la tête.


Il y a des mouvements dans le corps supérieur et ils se ressentent même physiquement. Mais la plupart doivent résulter (comme votre gêne respiratoire en est la preuve) d'un effort pour sortir de votre corps physique. Ils ne sont pas nécessaires. Vous pouvez simplement percevoir le déplacement de la cons­cience d'un point à un autre.

Maintenant que vous pouvez constater le calme du mental et vous séparer de l'action du mental lié au physique, il faut quitter ces efforts et rester dans l'attitude expectative, ouverte à l'action d'en haut —sans faire effort pour aller vers cet en-haut, mais, sa­chant qu'il est là, vous offrir à sa descente. Ne faites même pas effort pour "voir" ou "percevoir". Cal­mez le bas et attendez — faites une simple aspiration vers ce que vous savez proche.


Jeudi 11 février 1926


J 'ai dû, en effet, confondre deux mouvements : calmer mon mental dynamique et sortir de mon corps. En consé­quence, j'ai eu à retravailler de nouveau pour obtenir le silence mental.

Je peux l'obtenir, quoique pas toujours car le mental dynamique est très actif, et je suis toujours obligé de le surveiller. J'arrive aussi à une paix relative.

Je suis immobile, attentif, dans une espèce de milieu transparent. Mais ce n'est jamais de bien longue durée. C'est une autre paix, plus profonde, que je désire atteindre, celle qui détruira le sentiment du moi.

Une difficulté vient d'essayer, à la fois, de maintenir le mental silencieux et de regarder au-delà, défaire cette offrande silencieuse et attentive.

Ces jours derniers, j'ai un peu trop forcé la méditation et la tension a été trop grande. Je suis revenu à 3h. par jour. Neuralgie dentaire. Pourquoi ce sens de l'effort personnel est-il si pénible? Ce n'est pas l'inertie et le repos que je cherche, mais la paix dans l'action, la ces­sation de l'effort individuel.


La Paix plus profonde ne pourra venir que lorsque les "lotus" seront ouverts et que la Force descendra prendre possession. D'ailleurs, il faut faire une distinction entre l'individualité réelle et le sens illu­soire de l'ego. La vraie individualité est un fragment de la conscience universelle et même lorsqu'elle paraît fondre dans cette conscience, la distinction est néanmoins là. Elle permet l'action organisée, qui, sans elle, serait impossible.

Dans la mesure où la Force suprême prendra pos­session de vous, ce sens de l'effort diminuera; mais l'action séparée ne disparaîtra qu'à la perfection.

D'ailleurs, d'autres difficultés viendront encore. Vos centres actifs sont les centres supérieurs au plexus solaire: les autres dorment. Lors de leur éveil, le mental, même calmé et maîtrisé, sera de nouveau envahi et submergé. Les réelles difficultés viennent alors — dans le mental il y a toujours un élément qui aide, mais ici, tout est directement lié à la vie et à l'action.

Puisque vous éprouvez la possibilité de vous unir à la nature par le plexus solaire, faites-le en dehors de la méditation régulière.

Vous dites aussi que tout ce que vous faites en de­hors de la méditation semble ranimer votre mental. Cela n'a pas d'importance — vous ne pouvez pas ne rien faire. Il faut du temps à tout. Et vous êtes de ceux qui ont tout reposé sur le mental — de là la difficulté. D'autres s'ouvrent facilement. Mais ne soyez pas impatient, cela prolonge le sens de l'ef­fort personnel.


Lundi 15 février 1926


L'effet de la sâdhanâ se fait sentir surtout en dehors de la méditation. Il m'est de plus en plus facile d'assumer le rôle de témoin des actions du mental et même du corps. Il en résulte plus de calme, mais le mental n'est pas encore silencieux. Cette séparation m'a rendu conscient du chaos désordonné du mental dynamique, et ainsi, au début, j'ai cru qu'il devenait plus actif, alors que j'étais simplement conscient de son action.


L'essentiel est justement d'approfondir et d'aug­menter cette conscience-témoin (witness) ou "Purusha consciousness". Le silence du mental est certes une faculté précieuse; mais elle viendra en son temps. L'élargissement de cette conscience amènera le déver­sement d'une conscience plus profonde. D'ailleurs, ce témoin n'est-il pas silencieux?


Lundi 24 mai 1926


Mon corps se ressent de la chaleur. Ces temps-ci j'étais fatigué. Aussi j’ai fait mes méditations couché. Y a-t-il un inconvénient à cela?


Vous pouvez méditer dans n'importe quelle posi­tion. Je médite souvent en marchant.


Vous avez parlé de sortir "en corps vital" et en corps mental". Que veut dire cette dernière expression?


Lorsque le corps vital quitte le physique, celui-ci reste en transe, mais si c'est seulement le mental, il n'en est pas ainsi. Le mental sort, par exemple, dans la méditation, et va visiter certains endroits ou certains plans. Il peut y observer et même s'y faire sentir. Ce n'est même pas tout le mental qui part ainsi, mais une portion centrale pour ainsi dire. Il n'y a pas les dangers de la transe. Si l'on vous réveille, le mental revient de suite sans danger. Il n'en est pas de même si le vital lui-même est parti. Un lien le relie au physique. Comme il est la vie, si ce fil est coupé, c'est la mort. Un rappel brusque est aussi dangereux.

En général, il vaut mieux acquérir une certaine expérience de la sortie en mental et une connaissance mentale des plans avant de tenter la sortie en corps vital.


Ainsi, dans ce yoga, la sortie en corps mental précède celle en corps vital?


Oui, mais toutes deux sont encore subordonnées à l'expérience spirituelle, qui est beaucoup plus im­portante.


Je comprends que l'expérience spirituelle est fondamentale et que le reste est nécessaire simplement parce que la per­fection doit atteindre tous les plans.


Lundi 31 mai 1926


Ma méditation devient plus profonde et plus détachée du monde extérieur. À certains moments, j'arrive à me re­garder penser. La pensée ne m'apparaît pas encore comme extérieure; mais je puis néanmoins prendre cette activité comme objet. J'ai aussi bien conscience que la pensée est une activité toute superficielle et qu'elle n'affecte pas les couches profondes de mon être, mais reste en sur­face.

Lorsque la méditation devient profonde, mes pieds me font mal.


Quelle espèce de sensation avez-vous?


À la fois comme une pression et comme un arrachement. Peut-être est-ce le corps vital qui remonte pour se séparer?


Ce peut être cela, ou bien c'est une modification qui se produit généralement

lorsque la force divine transforme peu à peu même la substance physique. Cette substance est impure et ne peut recevoir l'im­pulsion sans une transformation préalable.


Est-ce la matière physique elle-même qui change, ou la vie de cette matière?


Il s'agit d'une modification cellulaire qui réside surtout dans les parties vitales et mentales des cel­lules; mais même la matière physique y participe.


Dans mes méditations, il y a plusieurs attitudes inté­rieures que je peux prendre et chacune engendre certains courants vitaux.


Quelles attitudes, par exemple?


Je peux essayer de prendre la position de témoin de l'acti­vité mentale; je peux tacher de monter le plus haut et m'accrocher à la position la plus élevée de mon être. Je peux appeler la Force d'en bas. Dans mes dernières mé­ditations, par exemple, ce n'est pas au-dessus de ma tête que je me centrais mais en arrière du plexus solaire en profondeur et non plus en hauteur.


C'est la région de l'être psychique qui est derrière le "cœur" (plexus solaire). C'est là un des centres occultes et c'est celui qui dirige l'homme ordinaire. Il faut aussi que vous deveniez conscient dans celui au-dessus de la tête, d'où l'être central dirige tout.


Mais tous ces courants ne sont-ils pas contradictoires? Je les engendre aveuglément sans savoir leurs effets. Les­quelles de ces attitudes sont bonnes?


Toutes. Tout cela est bien. Il faut seulement sur­veiller ce qui se passe. Le centre solaire et celui de la tête doivent coopérer à la parfaite maîtrise des instruments. Chacun a son rôle.


Faut-il - arriver à tenir cette attitude de témoin des changements mentaux dans toutes les circonstances de la vie ordinaire? Actuellement, je ne peux faire dans ces conditions que des activités peu importantes, semi-automatiques. Dès qu'une certaine attention est néces­saire, je me perds de nouveau dans l'action.


Mais ce n'est pas indispensable. C'est une question d'habitude. Vous n'avez pas encore vaincu l'illusion qui voit en vous l'acteur. Naturellement, cette atti­tude de témoin est nécessaire, c'est un premier pas. Toutes les parties du mental peuvent ainsi être rendues automatiques. Et, de haut, on les surveille; on peut les arrêter ou les modifier.


C'est alors une parfaite maîtrise des instruments. Mais chez moi, cette activité automatique n'est pas encore as­sez développée, et je ne peux lui confier que des tâches peu importantes. Bien qu'il y ait déjà un progrès à ce sujet.


Lundi 7 juin 1926


Il y a des cycles dans la méditation : des périodes bonnes et d'autres où elle est plus difficile. Actuellement, je peux assez bien calmer le mental, me détacher de lui et chercher à pénétrer dans une région que je sens au-dessus de lui. Mon mental m'apparaît maintenant comme une petite portion de mon être réel. Mais il y a au-dessus de moi comme un voile qui ne veut pas céder et qui m'em­pêche de passer. Et lorsque j'arrive ainsi à calmer le mental et à chercher à percer, je suis conscient d'une douleur, ou plutôt d'une sensation, dans les pieds et les jambes, qui fixe dès lors l'attention de mon être. Je ne peux m'en séparer car plus je fais des efforts, plus cette sensation devient forte.


Il y a dans votre conscience physique des parties qui vous retiennent. Vous pouvez en être conscient ou non. Mais lorsque vous cherchez à percer le voile, elles vous retiennent. Vous n'êtes pas prêt. Aussi est-il nécessaire que la Force d'en haut descende et prépare votre conscience inférieure. Ce voile peut être franchi d'en bas, mais c'est plus difficile et tout le monde ne peut pas le faire. Mais si la Force descend d'en haut, elle peut l'écarter. C'est donc vous ouvrir à cette Force qu'il faut surtout.


C'est donc prendre une attitude passive et ne pas cher­cher à centrer ma conscience en haut.


Le but naturellement est de vous élever au-dessus du mental, mais la Force doit préparer ce qui n'est pas prêt. Même si le mental est calme, ces imper­fections vous retiennent.


Quelle est la différence entre "the psychic being" (l'être psychique) derrière le centre du cœur et " the central being" (être central) au-dessus de la tête? Sont-ils deux, ou un seul être ?


Naturellement, à un point de vue, ils sont un. Mais votre être, bien qu'un, est composé de bien des êtres distincts. Tout comme votre être mental diffère du physique et du vital, de même l'être psychique, l'âme, diffère de l'être central.

L'être psychique est le transmetteur qui reçoit la lumière et la transmet à la personnalité inférieure. C'est lui qui se tient en arrière et dirige la personna­lité. L'être psychique est en communication directe avec la vérité, qu'il organise et transmet à l'être extérieur. L'être central ne peut organiser la vérité : il est au-dessus de toute évolution. C'est le psychique qui se développe spirituellement grâce aux diffé­rentes personnalités.


C'est donc l'être central qui est au-dessus de l'espace et du temps et qui est derrière ce qui évolue grâce aux per­sonnalités successives?


Oui. L'être psychique n'est que l'âme qui se dé­veloppe; il tient et prépare la personnalité. L'être central n'a pas une action directe :

il préside et sur­veille.


PAVITRA

GUIDANCE DE SRI AUROBINDO

LE YOGA DE LA BHAGAVAD-GÎTÂ